Après une période de violents affrontements urbains et de dévastation, le calme est enfin revenu dans notre pays. Il semblait alors que nous allions enfin pouvoir entreprendre une évaluation courageuse et lucide de tout ce que nous avons traversé, en identifiant les déclencheurs et les véritables origines de ces événements, tout en esquissant des perspectives pour l’avenir. Cette tâche incombe sans aucun doute aux intellectuels de tous horizons, dotés de la capacité critique et de la rigueur nécessaires pour fournir à notre peuple des outils d’analyse susceptibles d’éclairer la situation actuelle. Bien entendu, ces approches pourraient diverger considérablement, mais elles auraient au moins l’avantage de placer le débat à un niveau qui permettrait une purification progressive des tensions. Malheureusement, les premières confrontations que nous avons pu observer dans la presse semblent plutôt refléter une simple continuation des hostilités de rue. En lieu et place de la violence physique, nous assistons à une violence verbale et à des attaques pernicieuses, qui, heureusement, ne sont pas proférées dans nos langues maternelles. Cette situation est profondément préoccupante, car la persistance d’un tel duel verbal pourrait éventuellement fournir les arguments théoriques et idéologiques pour justifier de véritables règlements de comptes, enracinés dans les motivations les plus profondes des protagonistes.
Au-delà de l’analyse du contexte actuel, de ses contradictions et de ses antagonismes, cette dynamique devrait nous permettre de dépasser ces luttes meurtrières en faveur d’un débat axé sur la vision, le projet de société et le programme. Une telle prise de parole nous permettrait également de ne pas perdre de vue les défis internationaux qui façonnent notre monde et notre sous-région. Quoi qu’il advienne au Sénégal, le monde continuera de tourner et de poser des questions auxquelles nous devrons répondre. Être à l’écoute du monde, c’est prendre conscience de l’énorme décalage entre les enjeux internationaux qui façonneront notre avenir ici au Sénégal et les querelles locales dans lesquelles nous sommes actuellement engagés.
Dans le monde entier, les nations et les peuples cherchent les meilleures façons de résister et de défier l’ordre mondial dominant afin de préserver leur souveraineté et leur existence en tant que nations. Le peuple sénégalais a progressé dans cette voie grâce à des élections pacifiques, consolidant ainsi cette dynamique. Nous devons mobiliser toutes nos forces pour la renforcer.
En Ukraine, la Russie se bat physiquement pour préserver son indépendance et sa souveraineté en tant que nation. En mer de Chine, la Chine affronte une menace similaire et rappelle avec force que Taïwan est une partie intégrante de son territoire. Ces combats sont existentiels pour ces nations.
Le monde arabe cherche à regrouper ses forces pour s’affirmer en tant qu’entité ayant son mot à dire. Il comprend la Méditerranée et joue un rôle central dans de nouvelles formes de mondialisation.
Cependant, en ce qui concerne l’Afrique, le berceau de la civilisation, et le continent le plus riche de la planète, il semble être largement ignoré, sauf peut-être en ce qui concerne la manière de se partager ses ressources. Ces questions nous interpellent également, et leur prise en compte dans notre conscience collective pourrait changer notre approche des contradictions qui façonnent notre quotidien.
Notre pays dispose de l’intelligence nécessaire pour contribuer à la réflexion sur le rôle de l’Afrique dans la lutte pour l’existence à l’échelle mondiale. Malheureusement, nous sommes actuellement absorbés par des conflits internes destructeurs qui nuisent gravement à l’opposition démocratique. Il est essentiel de distinguer les différentes forces au sein de l’opposition, de reconnaître les dimensions complexes de nos conflits politiques, sociaux et culturels actuels, et de préserver le respect mutuel des croyances et des diversités confessionnelles et culturelles qui ont historiquement uni notre nation.
