
Dans les médias ainsi que sur les plateaux de télévision, certains chroniqueurs et invités évoquent souvent la fameuse « jurisprudence du flagrant délit continu », sans toujours connaître les origines de ce concept. Si l’on se réfère aux archives du journal « Le Témoin », les événements remontent à l’année 1995 ou 1996, lors d’une tentative avortée de sit-in de l’opposant de l’époque, Me Abdoulaye Wade, devant le ministère de l’Intérieur, alors que le président Abdou Diouf dirigeait le régime socialiste.
Lorsque Me Wade et certains responsables du Parti Démocratique Sénégalais (Pds) sont parvenus près du théâtre Sorano, situé sur l’avenue de la République, ils ont été confrontés à l’intervention de la police, qui a fait usage de grenades lacrymogènes pour disperser les manifestants du mouvement « Sopi ». Ces derniers se sont rapidement évanouis dans la foule. Quelques mois plus tard, Me Wade et ses partisans ont annoncé leur intention de retourner sur les lieux pour marcher jusqu’au ministère de l’Intérieur. Anticipant cette démarche, l’influent procureur de l’époque, Abdoulaye Gaye, a ordonné l’arrestation de Me Wade, surnommé le « Pape du Sopi », ainsi que de ses camarades de lutte. Cette action s’appuyait sur la théorie du « flagrant délit continu », abrégée familièrement sous le terme de « Fladéco », une expression popularisée par le journal « Le Témoin/Hebdo ».
Pour justifier l’arrestation de Me Wade et de ses alliés, le procureur Abdoulaye Gaye a affirmé que les membres du mouvement « Sopi » étaient accusés d’avoir participé à un rassemblement illégal et à une manifestation non autorisée. Ainsi, l’infraction liée à la tentative de sit-in avortée, commise par Me Wade et ses collègues plusieurs semaines auparavant, était considérée comme perdurant dans le temps.
En résumé, le concept de « flagrant délit continu » avait été étendu sur une période prolongée. À l’époque, cette interprétation juridique avait été utilisée de manière complexe pour cibler l’opposant principal, Me Wade. Plus de 40 ans plus tard, les méthodes similaires persistent et se sont même aggravées, puisque le prétexte n’est plus les « flagrants délits », mais les « crimes flagrants de terrorisme ».