
Les violences jihadistes qui ont fait leur apparition au Burkina Faso en 2015 n’ont malheureusement fait que s’aggraver au fil du temps, contribuant même à deux coups d’État en 2022, sans pour autant réussir à les endiguer.
Ces violences, qui avaient déjà touché le Mali et le Niger, se sont progressivement propagées au Burkina Faso, et dans une moindre mesure, à plusieurs pays du golfe de Guinée. Au Burkina Faso seul, les estimations de l’ONG internationale Armed Conflict Location & Event Data Project (Acled) indiquent qu’elles ont causé la perte de plus de 16 000 vies, civils et militaires, depuis 2015, dont plus de 5 000 depuis le début de l’année 2023.
- Premières attaques et escalade –
En 2016, Ouagadougou a été la cible de premières attaques, notamment le 15 janvier, où 30 personnes, dont de nombreux étrangers, ont été tuées et 70 blessées lors d’attaques revendiquées par Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) contre un établissement de luxe fréquenté par des Occidentaux et un restaurant. Deux autres attaques ont touché la capitale en août 2017 et en mars 2018, visant respectivement l’ambassade de France et l’état-major des armées, causant la mort d’une cinquantaine de personnes.
Au fil des mois et des années, les bilans des attaques se sont alourdis, en particulier dans le nord du pays. La violence jihadiste a ainsi fait 74 victimes en décembre 2019 à Arbinda et en janvier 2020 à Silgadji. En juin 2021, Solhan a été le théâtre de la plus meurtrière des attaques, avec 160 morts, suivie par la perte de 57 gendarmes à Inata en novembre de la même année.
En 2022, malgré la prise de pouvoir par les militaires, les attaques se sont poursuivies, avec 86 personnes tuées à Seytenga en juin et 37 à Gaskindé en septembre lors de l’attaque d’un convoi de ravitaillement à Djibo (nord), soumis à un blocus jihadiste.
Début 2022, le Burkina Faso enregistrait en moyenne « 20 à 30 attaques par semaine », selon Mahamoudou Savadogo, consultant en sécurité burkinabè. Aujourd’hui, ce nombre est passé à « 30 à 40 » et la géographie des attaques s’est étendue, selon lui.
Jean-Marc Gravellini, chercheur à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS), explique que certaines régions du Burkina Faso connaissent une « pauvreté importante, avec des populations jeunes, désœuvrées, sans perspectives d’avenir. Les terroristes leur offrent une amélioration des conditions de vie, du moins à court terme. »
- Deux coups d’État en 8 mois –
Le 24 janvier 2022, le colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba a renversé le président Roch Marc Christian Kaboré, accusé d’inaction face aux jihadistes. Huit mois plus tard, le 30 septembre, après le massacre de Gaskindé, le capitaine Ibrahim Traoré a pris le pouvoir en renversant le colonel Damiba, affirmant son intention de reconquérir les quelque 40 % du pays sous contrôle jihadiste.
Cependant, les attaques n’ont pas diminué en intensité, et en 2023, mi-juillet, le pays a déjà enregistré son année la plus meurtrière, avec plus de 5 000 morts, contre 4 000 sur l’ensemble de 2022. Les bilans sont régulièrement lourds, comme en témoignent les attaques du 17 février, où au moins 51 soldats ont été tués lors d’une embuscade dans la région du Sahel (nord), ou celle du 8 avril, avec 44 civils morts dans l’attaque de deux villages du nord-est.
- Mobilisation contre les jihadistes –
Pour lutter contre les groupes jihadistes affiliés à Al-Qaïda et à l’État islamique, le gouvernement a lancé une campagne de recrutement de supplétifs civils pour soutenir l’armée, appelés « Volontaires pour la Défense de la Patrie » (VDP). Les besoins étaient estimés à 50 000, mais plus de 90 000 personnes se sont inscrites.
Le capitaine Traoré a également annoncé la mise en place d’une base de données en matière de renseignements, ainsi que des mesures visant à couper les sources de financement des groupes jihadistes, notamment la contrebande et d’autres trafics.
En avril, une « mobilisation générale » a été déclarée, donnant aux autorités le pouvoir de réquisitionner des personnes. Depuis leur arrivée au pouvoir, le capitaine Traoré et son gouvernement ont exprimé leur volonté de diversifier leurs partenariats dans la lutte contre le jihadisme, notamment en sollicitant la Russie, tout en demandant le retrait des troupes françaises au nom de la « souveraineté ».
- Situation humanitaire catastrophique –
Fin 2022, le Programme alimentaire mondial (PAM) a averti que près de 3,5 millions de personnes auraient besoin d’une assistance alimentaire d’urgence dans les mois à venir. La situation est particulièrement préoccupante à Djibo, où la famine menace selon des ONG locales. Cette ville abrite 14 % des quelque deux millions de déplacés internes du pays, qui ont fui les violences depuis 2015.